jeudi 22 septembre 2016

TIC éthique et biotechnologies : Le cas Zuckerberg

Mark Zuckender et sa femme (pédiatre) viennent d'annoncer à travers leur fondation commune un don de 3 milliards de dollars pendant 10 ans pour éradiquer toutes les maladies du monde d'ici la fin du siècle, c'est-à-dire 2100. Que peut-on en penser ?

Aux USA, entre les dons faits à des causes au lieu de payer des impôts et la stature du rêve américain porté par les héros modernes que sont les milliardaires de la Silicon Valley, tout est fait pour attirer des sommes colossales vers de grandes causes. C'est un système qui est maintenant bien rôdé et chacun y va de sa cause. Mark Zuckerberg a annoncé la couleur depuis un certain temps mais ce geste est quand même très fort. Bill Gates a déjà choisi cette même direction depuis longtemps, notamment en aidant l'Afrique.

Le sujet santé est dans l'air du temps, car l'un des avenirs des boites technologiques repose sur ce secteur, à coup de biotechnologies, de nanotechnologies et d'intelligence artificielle, le truc à la mode dans la Silicon Valley. Justement l'un des avenirs possibles pour la Silicon Valley aussi évidemment, comme pour d'autres "pôles d'excellence" dans le monde. En injectant de telles sommes dans la santé autour d'un "hub" à côté de San Francisco, le fondateur de Facebook renforce ces deux aspects. Les sommes en jeu et la notoriété associée à ce projet de longue haleine vont forcément renforcer l'attractivité de ce lieu.

On est bien loin de la notion même de "réseau" chère à la fois à Facebook et à la recherche mondiale (dans tous les domaines, pas seulement la santé). L'attraction puissante que ce pôle diffusera autour de lui aura un effet important sur de nombreuses équipes de recherche dans le monde. Une sorte de déformation inéluctable de la carte de la recherche médicale dans le monde... au profit des USA, alors même qu'ils sont confrontés à la concurrence de plus en plus importante des asiatiques, y compris dans les classements universitaires. Mettez-vous un peu à la place de chercheurs isolés ou dépendant de laboratoires de taille moyenne. Même si ces 3 milliards annuels ne représentent qu'une faible part des crédits injectés chaque année dans la recherche médicale.

Car le défi lancé est fort : éradiquer toutes les maladies en 2100...

Toutes ? Non, bien sûr, mais la plupart d'entre elles en tous cas, à grands coups de technologies et de brevets. On imagine déjà la quantité de données qui transiteront par les réseaux d'information pour alimenter cette recherche, avec des bracelets et autres capteurs connectés...

Alors, qu'en penser ? Entre une ambition noble et forcément délirante (car il faut délirer pour innover) avec une ampleur jamais égalée, et un coup de pub pas forcément suivi d'effets ? Entre une goutte d'eau dans un dispositif mondial très éclaté et une action structurante décisive ? Les avis sont forcément partagés.

Et pourtant... Il faut de l'audace, non ? Espérons simplement que la vie privée sera respectée dans l'affaire, car si la santé est fondamentale pour la vie, en tous cas un niveau suffisant de santé pour être heureux, la vie privée est irremplaçable pour assurer notre liberté, au risque de n'être que de la chair à ce que vous voulez, canon, exploitation ou profit. Les deux aspects sont indissociables, et c'est ce qu'on peut appeler une forme d'éthique de la vie. Facile à dire, difficile à assurer. Mais à l'heure où les Etats ne s'intéressent pas à ce type de projet à long terme, il faut bien que quelques-uns se bougent, non ? Après l'échec de l'Obamacare aux USA, les batailles intra-européennes contre plus de coopération entre Etats membres, et une OMS focalisée sur certaines maladies seulement, on se demande comment faire. Si ça vous donne mal à la tête, prenez une aspirine Bayer et trempez la dans votre soupe de maïs OGM, puisque justement ils viennent de racheter l'horrible Monsanto.

Difficile de ne pas être critique pour ce type d'initiative, surtout lorsqu'on est français. Mais pourquoi pas, puisque le monde est plus gouverné par les multinationales et les milliardaires philanthropes que les Etats ou les organisations internationales. Il suffit de ne pas oublier l'éthique vitale dans ce genre de cas.

Ethique ? Vous avez dit éthique ?

A propos de sciences, ne ratez pas les IgNobel cette nuit
On en reparle demain, c'est promis.

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