mercredi 19 décembre 2018

Impôts et services publics : quantité et qualité ? Ne pas oublier les solidarités.

En recherchant des articles sur la crise actuelle, je suis tombé sur cette proposition d'un syndicat de fonctionnaires du fisc. Il s'agit d'un message à tous les contribuables (citoyens ? peuple ?) pour expliquer l'intérêt des impôts et taxes et le besoin d'une plus grande justice sociale et fiscale.

Dont acte.

Face à des revendications loufoques ou très personnelles, le sujet sur la table est la participation de chacun à une solidarité nationale, avec plusieurs points de vue possibles :
- on (je) paye trop d'impôts et de taxes
- on (je) ne sait pas à quoi ça sert
- il ne me reste rien à la fin du mois (ou le 20, le 15 ou le 10 du mois)
- je n'ai pas besoin de ces services là
- il n'est pas normal que je paye ce service (l'essence) autant qu'un riche
- tout est fait pour les patrons et rien pour nous
- ... je vous laisse rajouter d'autres critiques possibles

Le système en France a des caractéristiques originales et rares sur la planète : beaucoup d'impôts et de taxes, une solidarité (je paye pour les autres et ils payent pour moi) et des services publics de qualité. Le système commence à se déglinguer quand la confiance dans le système se fissure dans chacun des trois domaines : les impôts, la solidarité et les services.

- Les impôts et taxes ? Il y a ceux qui sont (vaguement) proportionnels aux revenus (quelle que soit leur source) et ceux qui sont proportionnels à l'usage. Les plus riches ont donc une double raison d'avoir un "disponible à la fin du mois" plus grand : l'impôt est progressif mais reste limité dans sa progression et les taxes touchent moins les riches puisqu'on ne peut fumer qu'un nombre limité de cigarettes par jour et brûler qu'un nombre limité de litres d'essence par semaine. La répartition de ce prélèvements est évidemment à améliorer, dans un maquis de niches et d'exceptions pour lesquels chacun est prêt à prendre les armes catégorielles ou corporatistes. L'équité et l'égalité sont en effet des concepts très différents...

... et cela même si d'autres illustrations sont possibles

Le volume global des impôts est aussi un sujet important, très souvent écarté d'un geste, en disant que c'est grâce à ça que nous avons plein d'avantages et de services que les autres pays ne comptent pas (oh les petits malins). Il s'agit en fait d'une sorte d'abonnement à un système (le système français) avec un prix jugé trop élevé, car sans concurrence, et une croissance remarquée par tous, surtout quand elle est rapide comme cette année. On attend d'ailleurs avec impatience les premiers effets dévastateurs du prélèvement à la source sur l'amour des français pour leur impôt fin janvier, qui sera évidemment perçu et présenté par certains, en tous cas compris par beaucoup, comme une baisse de pouvoir d'achat, même si c'est faux.

- La solidarité, elle, en prend un coup. Les luttes sont catégorielles ou locales, sans se soucier des "autres", Nimby. En attaquant une autre partie de la population il devient facile de ne pas se faire attaquer, c'est la tactique du bouc-émissaire. On dit souvent, à propos de certains pays très pauvres, que la liberté est un luxe, puisque la priorité est le pain. On a de plus en plus l'impression en France que si la liberté est inscrite un peu partout dans nos textes et nos comportements, la solidarité (autre nom de la fraternité) est de plus en plus jugée comme un luxe (L'Europe, c'est pas mieux). Le paradoxe est qu'au plan individuel et associatif, sur des bases de volontariat et même de bénévolat, beaucoup de gens sont solidaires, mais pas au plan global du système. Il y a en effet une grande différence entre les deux solidarités : dans le système national, l'État gomme les différences et c'est lui qui choisit (à tous ses niveaux) les priorités, alors que dans le cas de solidarités individuelles ou de groupes, les volontaires sont plus associés aux choix et les assument donc plus, voire se les approprient et se battent pour eux. Un modèle qui permettrait aux individus et aux associations de peser plus dans les choix aurait alors un intérêt évident pour développer une solidarité qui n'est pas seulement le cache-nez d'actions partisanes et finalement égoïstes. Non ? C'est l'un des enjeux des débats sur les formes plus participatives de consultation et de décision par les citoyens.

- Les services publics ? Vilipendés ou célébrés, selon les personnes et leur lien avec tel ou tel sujet, ces services doivent être regardés dans leur évolution. On ne fait plus les choses aujourd'hui comme avant (jadis ou même naguère), car les besoins ont changé, les solutions aussi, et d'autres sujets sont apparus qui étaient inconnus jusque là : vieillissement de la population et accompagnement des anciens, jeunes et autres formes de communication, niveau d'éducation et adéquation avec des métiers inconnus, mondialisation des échanges et poids de l'international ou de l'européen... Les pays qui ont "moins" de services publics les ont remplacés par des services privés, payables au coup par coup ou par abonnement. Se pose alors la question globale de la qualité des services assurés, bien plus complexe que la qualité de chaque service pris séparément. Alors qu'il est relativement facile d'améliorer un service, en améliorer plusieurs à la fois est très complexe, comme dans toute approche systémique. Prenez le dernier rapport (pdf) sur la SNCF par exemple, qui explique que les retards des trains sont devenus un phénomène endémique, impossible à résoudre en ne corrigeant que des petits machins ici ou là. Et encore, on ne parle ici que d'une seule entreprise... Quand on parle de qualité, cela recouvre plusieurs domaines : la qualité de l'accès (où et comment), des services rendus (précision et délais), des liens avec les autres services (coordination et compléments). On a souvent l'impression que ce sujet est tabou : presque tous dénoncent des baisses de qualité mais refusent de payer pour l'assurer. Or, et c'est une règle générale, les coûts fixes ont tendance à augmenter et donc à budget constant les actions possibles sont de plus en plus réduites. Sauf à sacrifier des pans entiers de services. Cf la loi de Parkinson... Et chacun a une opinion sur quel service public augmenter ou diminuer selon sa position dans la société.

Ecoutons donc les discours politiques, syndicaux et citoyens dans les prochaines semaines, et entendons-les à l'aune de ces trois concepts : les impôts et taxes, la solidarité et les services publics. Entendons-les en essayant d'enlever le bruit autour, les tentatives de manipulation ou simplement les artifices de rhétorique. Entendons-les en nous demandant ce qu'on peut faire chacun pour développer la confiance et la concrétiser. Car, en France comme ailleurs mais surtout en France, la confiance dans le système est indispensable à son fonctionnement, puisque nous vivons tous à crédit (financier, social, environnemental) et qu'il n'y a pas de crédit sans confiance. Ou alors, vous choisissez de détruire le système pour le remplacer par un autre et nous sommes nombreux à attendre de vraies propositions à le fois sur ce nouveau système et sur la transition entre les deux.


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